soie mudmee

L’artisanat de la soie en Thaïlande

La soie est une fibre textile d’origine animale. Elle est issue du cocon produit par la chenille du bombyx du mûrier (également appelé ver à soie). L’élevage des vers à soie, première étape de la fabrication de la soie, est appelé sériculture. Puis vient le filage et la teinture. A partir de cette matière naturelle, des soieries sont tissées artisanalement.

Un monde de femmes

Certains tissus de soie thaïlandais comptent parmi les plus raffinés au monde. La région principale de leur production se situe dans la région d’Isaan, au Nord-Est du pays, mais aussi dans les provinces du Nord (Chiang Maï et Lamphun). Dans ces terres éloignées des grands flux touristiques, au cœur de petits villages, les femmes continuent de travailler sur d’antiques métiers à tisser en bois, qui se sont souvent transmis de génération en génération. Ces artisanes maîtrisent tout le processus de fabrication, depuis l’élevage des chenilles se nourrissant des feuilles du mûrier avant de sécréter les cocons de soie, jusqu’au tissage en passant par le filage et la teinture. Cet artisanat continue de se transmettre entre femmes uniquement. Elles ont développé différentes techniques à travers les siècles, créant des tissages complexes sur de simples métiers à pédales. Des merveilles sortent de leurs mains habiles et sont achetés par les plus grandes marques de couture. Elles gèrent aussi les coopératives et les magasins villageois qui vendent  le fruit de leur travail. Ces filières garantissent une originalité, une authenticité et une qualité supérieures. La soie thaïlandaise constitue une passerelle vers l’antique Royaume de Siam (fondé en 1350 et nommé Thaïlande en 1939) et vers une culture traditionnelle qui est en train de disparaître rapidement.

Quatre grandes familles de tissus de soie

Afin de mieux s’orienter dans l’univers de la soie, il est important de connaître les quatre types principaux de tissus :

  • La soie brochée (Brocaded)

Cette technique de tissage nécessite la plus grande expertise et une infinie patience. On reconnaît la soie brochée aux motifs en reliefs qui se combinent entre eux, lui donnant ses précieuses caractéristiques ses délicates nuances colorées. Fabriquée principalement à Lamphun, la soie brochée est prisée par la haute couture et peut atteindre des prix très élevés.

  • La soie doupion (Dupioni)

C’est une des soies les plus communes, de couleur unie ou avec des motifs. L’étoffe comporte des nœuds, des bosses, des irrégularités qui sont caractéristiques. En Chine, on lui donne le nom de Shantung silk. Ces irrégularités sont dues au fait que deux vers à soie sécrètent ensemble un seul cocon. Le résultat est alors plus rustique et irrégulier que le cocon sécrété par un seul ver.

  • La soie Mudmee (ou ikat)

Ces motifs figurent parmi les plus anciens en Thaïlande. Ils sont tradionnellement tissés à Isaan. On reconnaît facilement la soie Mudmee,  malgré les motifs et les couleurs presque infinis. C’est un procédé de teinture et de tissage dans lequel le dessin est créé en teignant d’abord, à intervalles très précis, le fil de trame ou le fil de chaîne de toutes les couleurs qui vont y figurer.

  • Armure toile (plain weave)

C’est le tissage le plus simple, souple et résistant.  Le fil de trame passe alternativement sur puis sous un fil de chaîne. Les deux faces ont donc le même aspect. Le tissu est uni, sans motifs. Sa qualité dépend du fil utilisé, de la régularité du tissage et de l’habileté du tisserand. En utilisant des fils de nuances différentes pour la chaîne et la trame, on obtient une étoffe chatoyante. Un effet séduisant et bien visible lorsque l’on fait ondoyer lentement le tissu.

Quelques repères historiques

L’histoire de la soie débute selon la tradition chinoise au XVIIe  siècle avant J.-C. et se poursuit tout au long de trois millénaires durant lesquels la Chine commercialise ce tissu naturel et précieux en gardant jalousement les secrets de sa fabrication. Cet artisanat s’est ensuite transmis aux autres civilisations, grâce à des espions (moines, pillards, marchands, etc.). En Europe, la soie fut longtemps un monopole de l’Empire romain d’Orient. Arrivée en Europe occidentale à la fin du Moyen Age, la production parvient au stade de l’industrialisation à partir du XIXsiècle. Puis elle connaît un sévère déclin dont les causes sont multiples : la concurrence de fibres modernes telles que le nylon, l’évolution des coutumes vestimentaires, l’essor de certains pays d’Asie, les épidémies. La soie naturelle est donc redevenue une production essentiellement asiatique. Cet art séculaire asiatique, qui concilie aujourd’hui artisanat, écologie et industrialisation, se perpétue de génération en génération. Il est un des fleurons de la Thaïlande.

Le destin hors du commun de Jim Thompson

Cet Américain, né dans une famille aisée du Delaware en 1906, s’est pris de passion pour la Thaïlande à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Exerçant le métier d’architecte à New York, il quitte tout en 1941 pour s’engager dans l’armée. Il devient un agent de l’OSS (aujourd’hui la CIA). Arrivé à Bangkok au terme du conflit, il y prend les fonctions de conseiller militaire à l’ambassade des Etats-Unis. Il découvre alors le potentiel du tissage de la soie. Cette industrie ancienne était en déclin à cause de la concurrence des produits européens et japonais, vendus bien moins chers. Il emploie toute son énergie à développer ce secteur. Son affaire prend un grand essor et devient l’une des principales exportations du pays. En 1960, la Thaï Silk Company compte jusqu’à deux mille tisserands. Esthète cultivé et raffiné, il collectionne également les objets d’art ancien asiatiques. Pour abriter ses collections, il se fit construire une somptueuse demeure traditionnelle à Bangkok. Aujourd’hui, c’est un musée ouvert au public. Il disparut en Malaisie en 1967, dans des conditions mystérieuses, lors d’un séjour chez des amis.